Recommandations au repreneur pour réussir les phases de la négociation


Par Jean-Luc SCEMAMA, TRANSMISSION ET CONSEIL
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Jean-Luc SCEMAMA TRANSMISSION ET CONSEIL
Tél : 01 56 62 77 74 - Email : jlscemama@transmission-conseil.com
Recommandations au repreneur pour réussir les phases de la négociation

Bien que chaque affaire soit spécifique, nous avons essayé de tirer de notre expérience des négociations et émettre des conseils pragmatiques pour optimiser leurs chances de succès :

•  Coller à la réalité avec pragmatisme et souplesse : il est nécessaire d'accepter les revirements et contraintes matérielles et psychologiques du cédant, et en s'informant régulièrement de la position des différents acteurs (cédant, conseils, prescripteurs, etc.).

•  S'engager dans une négociation avec stratégie et méthode. A défaut, vous perdriez du temps et de l'énergie, notamment pour choisir efficacement entre plusieurs dossiers.

•  Se faire accompagner par un conseil spécialisé, qui veillera au respect des étapes par les deux parties, et les incitera à se concentrer sur l'essentiel.

•  Aller à l'essentiel et démontrer une compréhension des fondamentaux de l'entreprise-cible.

•  S'impliquer personnellement sans trop "sous-traiter" à ses conseils.

Au préalable …
Avant de s'engager dans une véritable négociation, il est indispensable d'avoir la ferme volonté d'aller jusqu'à son terme (si les étapes s'avèrent positives, naturellement), et donc d'avoir choisi d'écarter les autres dossiers étudiés. En effet, une négociation est chronophage et il est difficile, voire impossible et contre-productif, d'en mener plusieurs en parallèle. D'ailleurs, le cédant et ses conseils le ressentiraient inévitablement et ne vous accorderaient qu'une confiance mesurée.

La sélection
Il est souhaitable que les principaux critères d'appréciation soient suffisamment renseignés lors des premières investigations, à savoir : intérêt du "métier" et du modèle économique, adéquation à son propre profil, localisation, enveloppe financière, etc.
L'entreprise-cible doit avoir été sélectionnée à partir d'informations pertinentes et suffisantes (mémorandum de présentation complet, visite(s), recherches d'informations externes, ...). Cette phase d'investigation doit être aussi courte que possible.
Le choix peut intervenir à partir de l'acceptation par le cédant de la lettre d'intention (ce qui justifie son existence et sa rédaction détaillée).

La lettre d'intention
Cette lettre (L.O.I. pour les initiés) constitue une avancée déterminante dans la recherche d'un accord. Elle offre au repreneur une période d'exclusivité, essentielle pour agir et concrétiser son projet sereinement. Elle ne constitue normalement pas en effet un engagement juridique ferme et définitif, puisque de nombreux points devront être précisés ultérieurement. Elle permet aux deux parties de marquer les limites de leur engagement et leur volonté d'aller plus loin, avec un calendrier commun.

Elle précisera :
•  Le périmètre de cession (objet, exclusions éventuelles, éléments hors bilan, ...)
•  Le prix de base et l'assiette (bilan de référence, prévisionnel, paramètres de révision, etc..)
•  Les éventuelles conditions suspensives (montage financier et juridique de l'acquéreur) ou résolutoires
•  Les principes de la garantie de bilan (sans la détailler)
•  Les engagements particuliers du cédant (assistance, collaboration, départ, non concurrence, etc.)
•  Le calendrier prévisionnel (exclusivité de négociation, dates audits, protocole et closing)
•  L'attribution des tâches (rédactions, documents à fournir, audits, etc.)

Les audits de contrôle
L'accord sur la L.O.I. comprend généralement la réalisation de contrôles par l'acquéreur et/ou ses conseils : cette phase essentielle est facilitée quand le cédant (ou plutôt son conseil) a traité et regroupé les données (data-room). Cette étape technique doit être précisée (quant à sa nature, sa portée, sa date et lieu de réalisation) pour éviter d'inutiles difficultés. Elle doit être réalisée avant l'élaboration définitive du protocole ; en effet, les conclusions de l'audit peuvent en effet orienter certaines clauses et en particulier la garantie de bilan. L'exigence de confidentialité et les coûts engagés, quelquefois par les deux parties, font que certains audits ne seront réalisés qu'après l'engagement définitif des deux parties (signature du protocole), imposant alors des clauses de révision du prix, voire de résolution de la cession, si les résultats sont trop différents des déclarations des cédants ou des estimations.

Ces audits doivent être adaptés à la nature de la cible (activité, risques potentiels, ...) et à sa taille, car une démarche disproportionnée peut conduire à des coûts et des contraintes inutiles. C'est la raison pour laquelle une analyse préalable et une hiérarchisation des points critiques (selon les cas : social, assurances, technique, bâtiments, clientèle, etc.) est souhaitable.
Cette phase est l'occasion, pour le repreneur, d'améliorer sa connaissance détaillée de l'entreprise, ce qu'il aura peu l'occasion de faire par la suite. Nous recommandons, moyennant des procédures de confidentialité renforcées, notamment vis à vis du personnel, de faire participer le repreneur aux audits ou contrôles d'inventaire par exemple, au moins en observateur, pour éviter toute contestation ultérieure et pour profiter de cette occasion unique de comprendre le fonctionnement quotidien de l'entreprise.

Bien entendu, il est essentiel de bien informer les cédants (souvent inquiets) sur la nature et le déroulement matériel des contrôles. Une procédure mal préparée, mal comprise ou menée de façon cavalière ou inappropriée (recherche superflue du détail, questions déjà renseignées,...) est souvent la cause de tensions et parfois même de rupture des négociations. Les intervenants doivent donc être parfaitement "brieffés" au préalable par le repreneur, qui doit garder la maîtrise des opérations, les suivre de près et les réorienter si nécessaire.

Le protocole
La rédaction du protocole (généralement assurée par les conseils du repreneur, ou par l'intermédiaire spécialisé selon accord des parties) doit être le reflet sincère du déroulement et de l'aboutissement des négociations, sachant que certaines clauses, qui s'imposent au rédacteur par nécessité de clarté et de cohérence, peuvent susciter des interprétations et de nouveaux débats.
Les contrôles réalisés avant la rédaction (souvent parallèlement) peuvent orienter certaines clauses (révision de prix, conditions suspensives, garanties, conventions annexes,...) ; l'habileté du négociateur étant de présenter adroitement et opportunément ses conclusions pour les faire admettre.

C'est la phase ultime des négociations, et la plus délicate pour les deux parties, car elles sont ensuite définitivement engagées.
Des hésitations, tensions, voire altercations surgissent parfois, souvent pour des sujets mineurs au regard de l'enjeu principal. Il convient donc de s'entourer de précautions pour que les aspects psychologiques (angoisse, influence de l'entourage, ...) ne dominent pas les aspects rationnels et la volonté profonde d'aboutir, à savoir :
•  un cadre approprié (impérativement hors des locaux de l'entreprise, confort, ressources bureautiques),
•  une disponibilité totale des acteurs (pas d'autres engagements, ni de contacts avec l'extérieur)
•  une organisation de pauses (une réunion de mise au point finale, surtout suivie des signatures, dure plusieurs heures, et les pauses permettent d'évacuer certaines tensions, inévitables)

Les négociations se clôturent par la signature du protocole en ayant soin de ne pas laisser d'élément de la transaction imprécis ou à débattre.
Il arrive que le formalisme imposé par les conseils (relectures à haute voix, paraphes de nombreuses annexes, etc.) soit perçu comme une excessif (par les deux parties) ; il trouve souvent sa justification dans leur expérience et mérite d'être respecté.

Jean-Luc SCEMAMA
Président