Quel est l'intérêt des obligations convertibles pour un financier ? Et pour un repreneur de société dont les partenaires financiers interviendraient en OC ?


Par Jim SOLEYMANLOU, RainMakers Private Equity
Retour
Jim SOLEYMANLOU RainMakers Private Equity
Tél : 0147557464 - Email : jsoleymanlou@rainmakerspe.com
Quel est l'intérêt des obligations convertibles pour un financier ? Et pour un repreneur de société dont les partenaires financiers interviendraient en OC ?

De nombreuses études théoriques (1) et empiriques (2) montrent que les obligations convertibles sont particulièrement bien adaptées au financement des entreprises non cotées par des capital-investisseurs (3). Lorsqu’on y ajoute quelques raisons fiscales propres aux Etats-Unis (4), on comprend pourquoi les obligations convertibles sont les instruments favoris des capital-investisseurs outre Atlantique.

1- Définition

Instrument hybride tenant à la fois des obligations et des actions, une obligation convertible est une obligation qui donne à son détenteur, pendant une période dite de conversion, la possibilité de l’échanger contre une ou plusieurs actions.

Les obligations convertibles sont des instruments à la fois la souplesse et complexes, qui varient par la diversité de leur taux d’intérêt, leurs conditions d’amortissement de l’obligation, et leurs conditions de conversion en actions.
Le taux d’intérêt peut être fixe, révisable, variable, indexé, etc. Il existe des montages plus ou moins complexes, mais dont l’explication dépasse largement le cadre de cet exposé.
Une obligation convertible peut donner à son émetteur, la faculté d’un remboursement anticipé partiel ou total, ou celle de forcer la conversion des titres avant l’échéance (call option). Le titre peut également laisser la faculté de la conversion anticipée à l’initiative de son détenteur (put option).
Les conditions de conversion comprennent notamment la période de conversion et le prix de conversion.
Ces éléments réunis font des obligations convertibles l’un des instruments financiers les plus complexes à évaluer. Les travaux récents permettant d’approcher une évaluation précise des obligations convertibles redoublent de complexité, et mettent en défi les ordinateurs de bureau, nécessitent parfois des journées entières de calcul pour venir à bout de l’évaluation d’une obligation convertible structurée.
Toutefois, on pourra dire que dans sa forme la plus simple, une obligation convertible se décompose en une obligation et une option d’achat sur des actions.

2- L’usage des obligations convertibles par les sociétés cotées et non-cotées

Il convient de noter que les obligations convertibles utilisées par des capital-investisseurs diffèrent considérablement de celles émises par des sociétés cotées, à la fois par leur structure et par l’utilisation qui en est faite.

Une société cotée ayant besoin de capitaux extérieurs et estimant que le cours actuel de l’action est sous-évalué, peut choisir d’émettre des obligations convertibles comportant une clause d'amortissement anticipé au gré de l'émetteur. Une fois que le cours des actions aura atteint un niveau satisfaisant, la société forcera la conversion des actions. Par le biais des obligations convertibles, la société a ainsi différé l’émission effective d’actions nouvelles.

En théorie, lorsque la société se trouve dans une phase de développement, les obligations convertibles permettent à l’entrepreneur d’accéder au capital à un coût inférieur par rapport à l’émission d’actions ou obligations.
La conversion progressive des obligations en actions équivaut pour la société à une augmentation de capital en deux ou plusieurs phases. Cette conversion, par sa double action de réduction de la dette et l’augmentation des fonds propres offre à la société de nouvelles possibilités de refinancement.

En réalité, comparées à d’autres sources de capital, les obligations convertibles sont relativement peu utilisées par les sociétés cotées. Celles-ci préfèrent en générale l’émission d’actions ordinaires ou d’obligations pour accéder au capital.

3- L’attrait des obligations convertibles pour le capital-investiseur

Lors du montage d’un dossier, un capital-investisseur considère en principe plusieurs scénarii pour l’évolution du projet.

Dans le cas idéal, le projet remporte le succès escompté. Cela se traduit naturellement par une augmentation considérable de la valeur des actions de la société. Les obligations convertibles offrent au capital-investisseur un effet de levier, se concrétisant par la conversion de ces obligations en actions. Il ne lui reste plus que de trouver une solution de sortie pour réaliser ses profits. L’entrepreneur et le capital-investisseur ont tous deux maximisé leurs gains, selon un schéma qui a donné naissance à des entreprises comme Cisco Systems, eBay, Amazon et Google, et qui a fait en passant la fortune de leurs fondateurs.

Dans le cas le plus défavorable, le projet échoue, et la société est liquidée. Les fonds levés par le biais d’obligations convertibles étant considérés comme de l’endettement, les détenteurs de ces obligations bénéficient d’une priorité sur la valeur liquidative de l’entreprise par rapport aux actionnaires. Par conséquent, les obligations convertibles ont la faculté de transférer le risque de l’échec du projet sur l’entrepreneur.

En principe, lorsque le projet échoue, les intérêts de l’entrepreneur et de l’investisseur divergent. L’intérêt de l’investisseur est d’arrêter le plus vite possible, et de sauver ce qui peut l’être. L’entrepreneur étant plus impliqué dans le projet voudra aller jusqu’au bout. Certains universitaires (5) argumentent que lorsque l’apport de capital s’est fait uniquement sous forme d’actions, il se crée un déséquilibre au détriment du capital-investisseur. En effet, la responsabilité de l’entrepreneur étant limitée à sa mise de départ, il aura tendance à aller jusqu’au bout, tant qu’il dispose du capital.

Une levée de fonds peut comprendre plusieurs phases, correspondants à des étapes significatives de développement de la société, tels que l’achèvement de la phase de conception d’un produit, l’atteinte du point mort financier, l’introduction d’un second produit, etc. Les obligations convertibles jouent à la fois le rôle de la carotte et du bâton pour l’entrepreneur. La carotte est de voir la dette se convertir en fonds propres et d’accéder à de nouveaux tours de financement. Le bâton est de voir le capital-investisseur se retirer.


Dans la pratique, lorsqu’un entrepreneur fait appel à un capital-investisseur, le fait que ce dernier accepte de soutenir le projet en lui apportant le capital nécessaire, procure une telle satisfaction à l’entrepreneur qu’il peut négliger certains éléments du montage financier. Or, il ne faut pas perdre de vue que le capital-investisseur est un professionnel dont le rôle est de maximiser le retour sur les fonds dont il dispose. Naturellement, il proposera un montage qui lui sera le plus favorable. Lors d’une opération de levée de fonds, le capital-investisseur bénéficie d’un double avantage. D’une part, la balance du pouvoir de négociation penche en sa faveur, l’entrepreneur ayant davantage besoin de l’investisseur que l’inverse. D’autre part, le capital-investisseur est un professionnel de la finance qui a déjà mené à bien des dizaines voire des centaines d’opérations. L’entrepreneur, quant à lui, est sans doute un expert dans son domaine d’activité, mais en ce qui concerne la finance, il ne pourra rivaliser avec un professionnel, et il a tout intérêt à être bien accompagné afin de défendre ses intérêts.



Notes :
----------
(1) Klaus M. Schmidt, Convertible Securities and Venture Capital Finance, Journal of Finance, Vol. 58, June 2003
(2) Steven N. Kaplan & Per Stromberg, Characteristics, Contracts and Actions: Evidence from Venture Capitalist Analyses, 2003
(3) Dans ce document, nous avons utilisé le terme « capital-investisseur » pour désigner tout type d’investisseur extérieur apportant des fonds propres, y compris les sociétés de capital risque, business angels, incubateurs, …
(4) Gilson & Schizer, Understanding Venture Capital Structure: A Tax Explanation for Convertible Preferred Stock, Stanford Law and Economics Olin Working Paper No. 230, 2003
(5) Francesca Cornelli and Oved Yosha, Stage Financing and the Role of Convertible Debt, University of London, 1998