L'EIRL et le patrimoine d'affectation


Par Philippe MARIN
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Philippe MARIN
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L'EIRL et le patrimoine d'affectation

Le statut « d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée» (E.I.R.L.), créé par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, vise à permettre aux entrepreneurs individuels, sur simple déclaration au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou encore au greffe du tribunal de commerce, qu'ils soient artisans, commerçants, agriculteurs ou professionnels libéraux, d'affecter un patrimoine à leur activité professionnelle.

L'objectif affiché est de séparer les patrimoines privés et professionnels des entrepreneurs et ainsi de limiter leurs pertes dans l'hypothèse où leur activité se révèlerait compromise, par le biais d'une déclaration d'affectation.

Dans un contexte de crise économique, le statut d'E.I.R.L. peut être vu comme un nouveau moyen de sauvegarder les intérêts, au moins privés, de l'entrepreneur et de le faire bénéficier, s'il le souhaite, du régime fiscal applicable aux sociétés de capitaux, sans qu'il ait à créer une société.

La déclaration de patrimoine affecté devra préciser l'objet de l'activité professionnelle concernée (article L 526-8 du Code de Commerce) et comporter :

- un état descriptif des biens droits, obligations ou sûretés affectés à l'entreprise, en nature, qualité, quantité et valeur;
- le rapport d'évaluation en cas d'affectation de biens d'une valeur unitaire supérieure à 30.000 € (L. 526-10 al.1 du Code de Commerce).
- le document justifiant que l'entrepreneur a obtenu l'accord de son conjoint ou de ses coïndivisaires (en cas d'apport d'un bien immobilier) et les a informés lorsque des biens affectés sont des biens communs ou indivis.
- l'acte notarié en cas d'affectation d'un bien immobilier.
En outre, la loi précise que le patrimoine affecté se compose obligatoirement de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur est titulaire, et qui sont nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle.

L'entrepreneur peut également y inclure les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés pour les besoins de l'activité, tels les biens à usage mixte, professionnel et personnel.

La loi prévoit également que les « obligations » - autrement dit les dettes - font partie des éléments constitutifs du patrimoine d'affectation. Ainsi, lorsque la dette est attachée à un bien nécessaire à l'exercice de l'activité professionnelle, elle doit impérativement être inscrite au patrimoine d'affectation.

L'entrepreneur individuel pourra affecter de nouveaux biens en cours de vie de l'EIRL, tout comme en retirer. Ces modifications seront reflétées dans les comptes annuels de l'EIRL qui sont portés chaque année à la connaissance des tiers (article L 526-14 du Code de Commerce).

La liste des biens déclarés nécessaires à l'entreprise ou utilisés dans le cadre de l'activité professionnelle (le « patrimoine d'affectation »), délimite le gage des créanciers de l'entreprise.

Les créanciers professionnels ne peuvent venir se faire payer que sur ce « patrimoine d'affectation ».

Dès lors, la responsabilité de l'entrepreneur vis-à-vis de ses créanciers professionnels est limitée en pratique à la valeur des biens constituant ce « patrimoine d'affectation ».

L'article L. 526-12 du Code de Commerce définit les modalités d'opposabilité aux créanciers de l'affectation que l'entrepreneur a faite de ses biens à l'exercice de son activité professionnelle.

S'agissant des créanciers dont les droits seront nés après le dépôt de la déclaration d'affectation, celle-ci sera opposable de plein droit.

S'agissant des créanciers dont les droits seront nés avant le dépôt de la déclaration d'affectation, ces dernier conservent un gage sur la totalité du patrimoine de l'entrepreneur, affecté ou non-affecté. Toutefois, l'affectation pourra être leur être opposable à la double condition que l'entrepreneur mentionne cette opposabilité dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers individuellement qui pourront, le cas échéant, contester cette affectation par la voie de l'opposition.

La séparation des patrimoines créée par l'E.I.R.L. protège l'entrepreneur sur ces biens personnels sauf six exceptions :

- En cas de fraude de sa part (art. L 526-12, al. 9 du Code de Commerce).
- En cas de surévaluation des actifs affectés (art. L 526-10, al3 Code de Commerce).
- En cas de méconnaissance grave «des règles gouvernant l'affectation (art. L 526-12 du Code de Commerce).
- En cas de manquement grave aux obligations comptables (art. L. 526-12 du Code de Commerce).
- En cas de non-respect de ses obligations fiscales (art. L. 273 B du Code Général des Impôts).
- En cas d'inobservation grave et répétée des prescriptions de la législation de la Sécurité Sociale (art. L 133-4-7 du Code de la Sécurité Social).
Le patrimoine affecté, et donc l'EIRL, disparaît en cas de renonciation de l'entrepreneur à l'affectation, en cas de décès de ce dernier (à moins que l'un de ses héritiers ne manifeste son intention de poursuivre l'activité), ou en cas de liquidation.

Enfin, l'entrepreneur peut librement disposer des éléments composant le patrimoine affecté de l'EIRL et à ce titre, transmettre à titre gratuit ou onéreux la totalité dudit patrimoine, voir procédé à un apport à une personne morale.